Cela doit bien vous arriver de temps à autre, quand la fatigue ou le sommeil vous urprennent lors que vous êtes en train de parler ou de lire, ou même dans un temps de prière. Vous avez beau résister, votre niveau de conscience s’altère et les mots semblent soudain mener leur propre vie avec un autre sens que celui que vous leur donnez, jouant sur des homophonies à la Jean-Pierre Brisset ou la Raymond Roussel par exemple vous dites pouce en pensant au doigt et l’image d’une jeunes pousse de plantes s’impose à vous. Brisset allait d’ailleurs plus loin, pour lui, « Toutes les idées que l’on peut exprimer avec un même son, ou une suite de sons semblables, ont une même origine et présentent entre elles un rapport certain ».
C’est ainsi qu’il y a peu, je terminais avec mon épouse un chapelet tout en luttant contre le sommeil qui me gagnait, confiant mes pauvres mots harassés à la bonté de la sainte Vierge – quand j’ai décroché sans m’en rendre compte. Je disais : « Je vous salue Marie pleine de grâces » et voilà que l’image d’une plaine, avec un a, s’est superposée à ces mots : « « Je vous salue Marie pleine de grâces » – et je dois reconnaitre que ce n’était pas mal – le visage de Marie au-dessus de vastes plaines à blé de la Beauce ou de l’Ukraine que j’ai admiré, un peu de Péguy derrière, leur beauté calme et paisible, leur fécondité, comme celle des grâces dont Marie est médiatrice. Cela valait le « Vierge Marie comparée au bleu du Ciel » du magnifique poème d’Hopkins.
J’ai fait alors un effort d’attention pour revenir aux vrais mots de la prière mariale, mais un peu plus tard, cela a recommencé, cette fois-ci avec la troisième demande du Notre-Père qui elle aussi s’est évadée de ce que je disais pour me revenir sous la forme et avec un parfum précis, celui de la fête avec un e accent circonflexe : « Que ta volonté soit fête sur la terre comme au ciel ». Pourquoi pas ? La volonté du Père est celle est celle du Dieu d’amour, en lui et pour nous, elle est toute de bonheur, de béatitude, et quand elle est faite sur la terre, quand elle est faite en nous et par nous, n’est-ce pas fête dans le Ciel, à laquelle nous sommes invités à nous joindre ?
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