Le 29 novembre 2019, la chanteuse québécoise d’origine haïtienne, Dominique Fils-Aimé se présentait pour la toute première fois au public français, lors d’une prestation captivante au Centre culturel canadien de Paris. Elle y interprétait alors des extraits de son récent album Stay Tuned !, largement inspiré de la destinée des Afro-Américains au cœur du XXème siècle. Au-delà de son propre répertoire, la jeune femme s’autorisa quelques adaptations de grands classiques de "L’épopée des Musiques Noires" dont Strange Fruit immortalisé par la légendaire Billie Holiday et Feeling Good incarné jadis par la redoutable Nina Simone. Il se trouve que Dominique Fils-Aimé se passionne pour l’histoire de ses lointains aïeux et, notamment, la culture rebelle des musiciens de jazz. Ainsi, elle perpétue cette humeur protestataire et narre, à travers ses œuvres, les grands événements vécus par la communauté noire outre-Atlantique durant les heures sombres de la ségrégation raciale. En lisant les textes poétiques de la demoiselle, on redécouvre entre les lignes ces fameux instants de gloire, de doute, et de drame que la société américaine ne parvient toujours pas à assumer. Magic Whistle, par exemple, évoque le triste sort du jeune Emmett Till qui, en 1955, fut battu à mort par quelques partisans zélés du Ku Klux Klan pour avoir, dit-on, osé siffler une cliente d’une épicerie à Money dans le Mississippi. On apprendra plus tard que ladite cliente n’était autre que la compagne de Roy Bryant, l’un des assassins, et avait inventé de toutes pièces cette altercation. Emmett Till n’avait que 14 ans. Son meurtre, le 28 août 1955, fut le point de départ d’un mouvement de contestation mené, quatre mois plus tard, à Montgomery par Rosa Parks, bientôt rejointe par un pasteur originaire d’Atlanta, un certain Martin Luther King. 9LRR est une autre chanson révélatrice de l’intérêt de Dominique Fils-Aimé pour les moments de résilience de la communauté noire aux États-Unis. Cette composition nous renvoie une nouvelle fois dans le passé quand, le 24 septembre 1957, neuf étudiants noirs furent escortés, sur ordre du président Eisenhower, par des soldats de l’armée américaine pour pouvoir suivre des cours dans un lycée que le gouverneur raciste d’Arkansas, Orval Faubus, réservait aux citoyens blancs. Le bras de fer dura un mois mais la loi fédérale l’emporta sur les élucubrations d’un notable local que le pouvoir avait corrompu. Dominique Fils-Aimé n’est, certes, pas la première à s’indigner de la sorte, le contrebassiste Charles Mingus fit de même en écrivant Fables of Faubus en 1959, mais rappeler certains faits historiques, alors que les démons de l’intolérance ressurgissent au XXIème siècle, n’est pas inutile. Par ailleurs, 9LRR est aussi l'évocation subtile du manifeste estudiantin au 9ème étage de l'Université Concordia à Montréal en 1969. Espérons seulement que cet engagement artistique conserve la part de vérité que cette nouvelle voix porte en elle. Le site officiel de Dominique Fils-Aimé
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